Le vote FN/RN est-il raciste ?

Les élections législatives de juin/juillet 2024 ont donné lieu à un vote important pour le Front national/Rassemblement national (FN/RN). Heureusement ou malheureusement, selon votre degré de tolérance aux différences de pigmentation et de culture, le « barrage » ou le « cordon sanitaire » a permis d’éviter qu’un parti politique d’extrême droite, aux origines néo-fascistes (Igounet, 2014), devienne la première force politique en France. Il demeure les plus de 8 millions de voix (d’après le ministère de l’intérieur) pour une idéologie politique xénophobe et réactionnaire, interrogeant nécessairement sur le degré de racisme des électeurs et électrices du FN/RN. A l’aide de travaux en sociologie politique et électorale, je vais essayer de répondre à cette question, tout en y apportant mon point de vue, et en commençant par rappeler les raisons qui expliquent pourquoi le FN/RN est encore et toujours un parti raciste.

Les origines jamais reniées du Rassemblement national

Un des éléments les plus frappants à propos de l’engeance du FN est l’absence de distanciation vis-à-vis de son parent gênant. Jordan Bardella nous a offert un exemple particulièrement clair à ce propos : lors d’une interview sur BFM TV le 05 novembre 2023, il refuse de qualifier Jean-Marie Le Pen d’antisémite, pourtant condamné plusieurs fois à ce sujet – en 1969 pour une apologie du régime nazi, en 1988 et 1999 pour le fameux « détail de l’histoire », et en 1993 pour son insulte « Durafour-crématoire ». Il reviendra finalement quelques temps plus tard sur ces propos, en reconnaissant le caractère antisémite des propos du père du parti. Mais encore une fois avec les leaders du FN/RN, c’est quand la polémique enfle et que la façade normale de ce parti en prend un coup que ces dernier-es condamnent ce qui est condamnable, jamais en amont.

Pire encore, l’iconographie du parti s’inspire très librement d’une référence fasciste, la flamme tricolore du FN étant à la base un copier-coller du logo du Movimento Sociale Italiano, parti néo-fasciste des années 1960. Le logo du RN ressemble toujours fortement à ce logo ; il semble pourtant que le parti a les moyens d’engager un-e graphiste.

En outre, l’entourage de la direction du parti est encore composé de groupuscules identitaires et d’extrême droite, comme le GUD, exactement comme pendant la période de l’Ordre nouveau (Igounet, op. cit.), mouvement politique néo-fasciste dont est issu le FN. Jacques-Vaillant (2023) a mené une étude sur les 20 cadres de Générations identitaires, groupe politique d’extrême droite dissout en mars 2021. Il en ressort que sur les 20, 13 ont entretenu des relations avec le FN/RN. Parmi ces 13, 9 sont toujours en lien avec le parti d’extrême droite. Cette étude démontre l’existence d’une entente entre le FN/RN et les groupuscules d’extrême droite. Le premier parti d’extrême droite absorbe en fait les cadres des identitaires les moins agités, en profitant de leurs expériences et de leur capital militant. Le FN/RN a toujours eu du mal à former et maintenir ses cadres en place (Dahani, 2023), les cadres identitaires sont donc une ressources précieuses.

Enfin, la famille Le Pen continue de diriger le parti comme sa propriété. Difficile d’y voir alors un renouveau de la politique, ou alors il s’agit plutôt d’un retour du népotisme de l’Ancien Régime, où le réseau constituait l’unique ressource pour obtenir des positions. Les exemples ne manquent pas de ces personnes qui « réussissent » au FN/RN grâce au soutien d’un Le Pen (Crippa, 2023) ; Bardella est lui-même un excellent exemple, car il a eu le bon goût d’entretenir une relation avec, successivement, la fille de Frédéric Chatillon, ancien dirigeant du GUD et proche de Marine Le Pen (MLP), et avec la nièce de cette dernière.

Pourquoi alors ne pas avoir effectué cette auto-critique, d’autant plus cohérente pour un parti soit-disant dédiabolisé ?

Une dédiabolisation mais pas de réels changements

La stratégie de la dédiabolisation ou de la normalisation, autrement dit faire en sorte que le parti d’extrême droite ne soit plus vu comme tel, n’est pas une nouveauté. Dès les origines, un des objectifs consistait à faire du parti un acteur respectable et sérieux de la vie politique (Dézé, 2015 ; Igounet, op. cit.). Par ailleurs, il s’agit d’une caractéristique clairement identifié pour les partis politiques européens d’extrême droite engrangeant des victoires électorales (Mayer, 2002). La violence et l’agressivité font effectivement office de repoussoir – il n’y a qu’à voir le rejet fort et unanime des Black blocs (à ce sujet lire Dupuis-Déri, 2016). Un parti dit de gouvernement doit jouer avec les armes institutionnelles (qui pour partie sont aussi violentes mais c’est un autre débat), la principale étant les élections.

Depuis sa création donc, le FN/RN essaye de se faire passer pour un parti respectable et sage. On peut alors se demander si cette dédiabolisation est vraiment le fruit d’une réussite stratégique et non pas un mélange entre une prophétie autoréalisatrice, découlant d’une complaisance notamment médiatique, et d’un contexte bien spécifique, en particulier la précarisation et la perte de confiance dans les institutions étatiques d’une partie grandissante de la population (Lehingue, 2017).

L’analyse de ce qu’est le FN/RN permet de voir au-delà des apparences et j’en ai longuement rendu compte dans deux billets (ici et ). J’insisterai ici seulement sur un point, les discours de MLP. On peut s’accorder sur le fait que l’héritière Le Pen est la principale représentante de son parti. L’analyse de son discours permet en conséquence de donner une idée assez représentative de l’évolution éventuelle du FN/RN à propos de la xénophobie et du racisme. Sur ce point, et sans surprise j’ajouterais, les évolutions sont faibles et concernent seulement la forme. MLP est plus ambiguë et se passe des formules ouvertement racistes de son père ; elle sait également varier son discours en fonction de l’auditoire et manque justement du caractère brutal et sans concession de son prédécesseur (Alduy, Wahnich, 2015). Pourtant, le fond reste identique : les valeurs nationalistes avec la France éternelle en boussole, et les mêmes principes d’explication et de construction du monde, avec, en tête, immigration = danger. Une analyse des discours de MLP sur la « crise migratoire » révèle précisément ces éléments : MLP a recours au flou et aux métaphores pour discriminer et déshumaniser les migrant-es, les associant à une catastrophe naturelle (Jamet, Lafandria, 2023).

La dédiabolisation cache mal le fond raciste toujours actif et structurant pour le premier parti de l’extrême droite française. Et si en plus le cordon n’a pas été coupé avec son passé, il n’est pas permis de conclure à la normalité de ce parti. Passons donc maintenant à l’électorat.

Les électeurs et électrices du FN/RN, toutes racistes ?

Comme le note Faury (2024), la question du racisme dans l’électorat FN/RN a souvent été évacuée ou contournée en SHS. Si cette action se justifie facilement pour des partis politiques de la gauche électoraliste, elle n’est pas vraiment explicable pour des scientifiques. Quand autant de personnes votent pour un parti authentiquement xénophobe, la question du racisme n’est plus un choix épistémologique ou de terrain, c’est un incontournable pour essayer de comprendre. Pour Faury, la question est même mal posée : il s’agit non pas de se demander à quel point les électeurs et électrices RN sont racistes, mais comment ils et elles contribuent à un racisme institutionnel et s’insèrent dans un ordre ethno-racial, dont ils et elles espèrent tirer profits. Si je m’accorde avec ce constat du sociologue, je préfère m’interroger à nouveau sur le racisme de l’électorat du FN/RN, car je crois que nous disposons désormais d’assez d’éléments probants pour répondre avec aplomb à cette question. Et cette réponse m’apparaît d’autant plus nécessaire que je constate, dans mon environnement et dans les médias, à la fois des efforts véritables pour évacuer le racisme de l’équation et des propos racistes d’une violence étonnante.

Dans les années 1990, l’électorat du FN/RN est coupée en deux dans l’analyse qui lui est consacré : les ninistes ou les dégagistes, qui n’en peuvent plus de la gauche et de la droite de gouvernement, et les électeurs et électrices traditionnelles d’extrême droite (Mayer, 2002). Les premier-es ont une vision désenchantée de la politique et sont préocuppé-es par l’immigration mais ne sont pas nécessairement racistes, les second-es le sont sans aucun doute. Vingt ans plus tard, on fait le constat que l’immigration demeure le principal sujet de préoccupation, mais les électeurs et électrices du FN/RN possèdent des intérêts que l’on retrouve chez des électorats de gauche, à savoir l’intervention de l’État et la redistribution des richesses (Mayer, 2015). Nous arrivons là à un problème important dans la compréhension de l’identité des personnes votant pour le FN/RN : elles sont nombreuses et leurs profils multiples. Pour cette raison, des chercheurs ont choisi de parler de « conglomérat » (Gaxie, 2017). Il semble donc imprudent de parler de l’électorat FN/RN ; ce parti brasse tellement large, notamment grâce à une communication mouvante et un programme flou. Les législatives de juin/juillet 2024 ont en effet largement démontré que le FN/RN, hormis peut-être sur l’immigration et la sécurité, manque de précision dans les actions qu’il compte mettre en œuvre une fois au pouvoir, ce qui lui permet à la fois de se faire passer pour un parti qui défendra les classes populaires et un parti qui respectera le milieu des affaires.

Pour réduire le champ de réflexion, il faudrait alors d’identifier la caractéristique commune de ce conglomérat : c’est ici que la race, la couleur de peau ou l’ethnie se détache comme moyen d’analyse. Pourtant, la réelle difficulté est de savoir si ce rejet ou cette crainte des étrangers constitue une forme de racisme. Les chercheurs et chercheuses travaillant sur ces questions hésitent souvent à le qualifier tel quel (par exemple, Lehingue, 2017 ; Mayer, 2002 ; Perrineau, 2017 ; Pinto, 2017). Cet électorat de « gauche », ou qui pourrait l’être, se tournant vers le FN/RN, a plus de préoccupations sociales que raciales ou de hiérarchie culturelle. La question du racisme ne se pose pas pour cette partie de la droite dure réactionnaire et xénophobe, qui vote pour le FN/RN depuis longtemps, et qui, pour partie, a choisi Zemmour plutôt que MLP, car cette dernière se montrerait trop « sociale » (Rouban, 2022).

Pour les présidentielles de 2022, plus d’un et une électrice sur 4 (23%) a donc choisi l’extrême droite (Lehingue, 2023) – en agrégeant les votes Zemmour, Dupont-Aignan et MLP. Concernant le FN/RN, ce succès ne s’explique pas avec les racistes et certain-es membres de classes populaires votant déjà pour ce parti, notamment à cause d’une déception vis-à-vis de la gauche et une critique du libéralisme culturel de celle-ci (Perrineau, op. cit.), mais par un basculement des secteurs de l’électorat auparavant réfractaires : fonctionnaires, diplômé-es, cadres supérieurs et professions intermédiaires (Lehingue, 2023).

Pourquoi un tel succès ? Qu’est-ce qui permet d’expliquer une telle progression, sachant que des réelles alternatives existent à la politique ordo-libérale de Macron ? Voici quelques éléments centraux (Gaxie, op. cit. ; Rouban, op. cit., 2024) : la précarisation et le sentiment d’un déclassement, des élites perçues comme technocratiques et éloignées de la « réalité », la diffusion d’une défiance envers les institutions étatiques. D’un autre côté, la société française vit une droitisation voire une extrême-droitisation, dont l’historien Foessel (2019) voit des points communs avec les années 1930, à savoir le libéralisme économique, le glissement du pouvoir vers l’autoritarisme et le déplacement du conflit politique et sociale vers un conflit identitaire et culturelle. Ce processus laisse une empreinte sur tous les secteurs de l’électorat et de l’offre politique en les tirant à droite, si bien qu’un Manuel Valls peut aujourd’hui se réclamer de la gauche de gouvernement, alors que 30 ans en arrière, il aurait été traité de « raciste ». Il me semble donc pas déconnant de considérer que ces questions identitaires et culturelles constituent la clé de lecture principale du vote FN/RN : la peur de l’immigration-Schrödinger, en même temps capable de « voler le travail des Français-es » mais également de « venir glander et profiter des aides », l’érection de l’Islam en danger et la conviction de l’incompatibilité de cette religion avec la république, la volonté de rester entre blancs et blanches, l’idée d’une civilisation blanche et européenne/française menacée de disparition, un rejet fort d’une idéologie de déconstruction, le « wokisme », décrite comme un nouveau danger qui promet un monde chaotique.

Comme Faury (op. cit.) l’a montré à partir de son terrain situé dans la région PACA, la recherche d’un entre-soi blanc est fortement présente chez ces électeurs et électrices du FN/RN, issues des classes moyennes inférieures. Cette quête constitue un objectif sécurisant, censé protéger de la menace d’un mélange avec des populations considérées comme indésirables. C’est pourquoi l’entre-soi blanc est valorisé et peut même se doubler d’un entre-soi de classes, de la part de personnes qui refusent de se voir associées aux classes populaires (Girard, 2017 ; Letourneur, 2023). En outre, les différents électorats FN/RN s’illustrent par un niveau bas de libéralisme culturel (Rouban, 2022) ; dit autrement, ils et elles se montrent hostiles envers, entre autres, la transidentité, l’analyse critique de l’histoire coloniale de la France, les régimes alimentaires non-carnés, etc. En somme, il apparaît bien que la partie du conglomérat FN/RN qui n’est pas raciste au point de s’en réclamer ouvertement et de revendiquer sa participation à une guerre civilisationnelle, possède une volonté de distinction sociale et ethno-raciale (Barrault-Stella et al., 2020 ; Barrault-Stella, Berjaud, 2023). C’est pourquoi le vote FN/RN s’associe avec la dénonciation de l’assistanat et des imméritant-es – Rouban (op. cit) parle ici d’une volonté d’équité, récompensant les efforts individuels.

Pour résumer, il n’est pas possible de qualifier de racistes l’entièreté de l’électorat multiple du FN/RN. En revanche, considérer qu’une partie de ce conglomérat, celle dont on s’attendrait à qu’elle vote plutôt à gauche, n’est pas ou peu raciste est tout aussi impossible. Cet électorat, constitué principalement de petits-moyens, possède de réelles motivations xénophobes et hiérarchise sa réalité en fonction de critères discriminants, basés sur la couleur de peau, la culture ou la religion (et également la classe sociale). Le FN/RN apparaît alors comme le seul parti capable de valoriser une identité perçue et vécue comme en danger et en manque de reconnaissance. Plus globalement, dans une société qui devient de plus en plus raciste, il est logique que l’appartenance à une norme blanche, déclarée majoritaire, et cela d’une façon qui ne saurait souffrir de discussion, et sans que l’on soit vraiment capable de définir cette norme par ailleurs, il est logique donc que l’appartenance à cette norme blanche – le bon ou la bonne Française – forme une pierre angulaire du classement et in fine de la séparation des individus. Enfin, sur ce point précis, on peut noter l’existence de sociabilisations proprement racistes chez les électeurs et électrices FN/RN (Faury, op. cit. ; Marchand-Lagier, 2017), soit des personnes qui tissent des liens en ayant comme signe de reconnaissance et d’inclusion la stigmatisation d’une ou plusieurs catégories de la population. A lieu ainsi un catapultage entre une société qui se laisse de plus en plus envahir par ses démons racistes et des sociabilisations abîmées par une paupérisation et tournées vers le rejet de certaines catégories de la population. La première trouve dans les secondes des formes d’expression concrètes qui lui donnent un corps, un ancrage social et les secondes une « ambiance de société », un cadre d’expression et de représentations qui souligne la justesse de leurs actes et pensées racistes. Pour le dire de façon plus concise, tandis que les idées d’extrême-droite se diffusent, les personnes qui s’entendent pour rejeter, au hasard, les musulman-es ou assimilé-es tel-les quel-les, se sentent de plus en plus à l’aise pour assumer leur racisme.

Voter FN/RN… un acte raciste ?

J’aimerais finir par une réflexion plus personnelle, à partir des résultats et des constats exposés plus haut. Est-il imaginable que le FN/RN soit considéré comme un parti non raciste ? Le travail de normalisation, bien aidé par une participation médiatique qui va bien au-delà des médias appartenant aux milliardaires d’extrême droite, explique en partie la perception d’un parti comme les autres. Pourtant, cette normalité de façade ne résiste pas à la moindre analyse : par exemple, de nombreux et nombreuses candidates du FN/RN se sont illustré-es par des actes et/ou déclarations condamnables (lire l’article de Basta! à ce sujet) . Chacun-e peut également constater la diffusion d’un racisme de combat dans la société française, le racisme « bon-enfant » des blagues lourdes du tonton ayant été dépassé par un racisme politisé à l’extrême (dans tous les sens du terme), se réclamant défendre une société et une identité en danger. Alors quand des électeurs et électrices se refusent à voir des signaux clairs d’un parti toujours raciste, on peut s’interroger sur l’existence d’un biais cognitif, qui associerait besoin de rationalisation et de normalisation avec une sélection et/ou lectures faussées d’informations politiques. En d’autres termes, on vote FN/RN parce que ce parti est désormais normal et qu’on ignore ces « sorties » racistes ou les justifie par l’existence d’une menace (l’immigré, le musulman).

Demeure toutefois les personnes qui ne s’intéressent pas à la politique et ne suivent pas son actualité ; il est envisageable que ces personnes se soient faites avoir par cette longue opération de dédiabolisation ou de normalisation. Malgré tout, même si tel est le cas, comment imaginer que le RN, en tant qu’héritier du FN, puisse être compris comme autre chose que le « parti des racistes », pour grossir le trait ? Cela se confirme par des électeurs et électrices, éloignées de la vie politique mais se tournant naturellement vers le FN/RN pour exprimer leur rejet de l’immigration et des populations considérées comme non françaises ou pas assez (Barrault-Stella, Berjaud, 2017 ; Faury, op. cit.).

Plus tôt dans ce billet, j’ai écrit qu’il y avait assez d’éléments concrets ou, disons-le plus clairement, de preuves empiriques pour savoir si les électorats du FN/RN étaient racistes ou pas. Au vu donc de ces éléments, je pense que la réponse est oui, dans l’ensemble, mais pas totalement, les électeurs et électrices du FN/RN sont racistes. Ce racisme n’est pas uniforme et peut aller d’une crainte de l’immigration et un rejet de l’Islam à un engagement dans un soit-disant combat de civilisation, ne serait-ce que par des mots et la défense de certaines constructions de la société, notamment le grand remplacement. Il existe certainement des électeurs et électrices qui baignent dans la confusion et se font berner par le FN/RN. Néanmoins, dans un premier temps, il s’agit sans doute d’une minorité et, dans un second temps, ce choix suscite forcément des interrogations. Comment l’expliquer quand il existe des alternatives connues, que sont la LFI et le PCF ? Si on écarte la LFI, parce que ce parti est présenté comme le parti de l’antisémitisme, de la « bordelisation » et du retour de la violence en politique, pourquoi ne pas choisir le PCF, vieux parti respectable, défendant le peuple populaire depuis ses débuts, avec à sa tête un chef qui montre des dispositions contre le libéralisme culturel ? A priori, le PCF aurait tout pour plaire. Bref, je pense que dans ce cas le racisme est l’élément explicatif le plus fort pour expliquer le vote FN/RN.

Par ailleurs, voter FN/RN revient à accorder de la légitimité à un parti raciste. A la fin du compte, même en ignorant tout ou presque de la vie politique – et on ne me fera pas croire que les électeurs et électrices ignorent que le RN est l’hériter direct du FN – , la conséquence est la contribution à un mouvement idéologique qui vise à créer un séparatisme au sein de la société, entre le bon ou la bonne française et le reste. S’il apparaît décisif de ne pas ridiculiser ou insulter cet électorat de « fâché pas fachos », ou de « racistes légers », ou simplement de personnes ayant été trompé-es par la normalisation du FN/RN, la responsabilité de leur acte ne doit pas non plus leur être épargnée – une infantilisation qui serait bien mal venue. Les erreurs et les fautes mêmes sont excusables, mais il ne faut pas contribuer à légitimer le racisme en refusant de le voir là où il est. Par ailleurs, l’expérience m’a prouvé que même en expliquant, avec des sources, des preuves et des arguments, ces électeurs et électrices reviennent avec une critique de l’assistanat (« non mais ces gens gagnent plus d’argent que moi en faisant rien »), de l’Islam (« les musulmans refusent de s’intégrer ») et de l’immigration (« on peut pas accueillir toute la misère du monde »). Je crains que le pari du FN/RN soit gagnant, à savoir nourrir une détestation plus forte de l’égalité ethno-raciale que la détestation des inégalités économiques et sociales.

Maintenant, il reste beaucoup de boulot à abattre et à répéter pour présenter le FN/RN comme un parti qui est non seulement raciste, ça c’est l’évidence, mais en plus bien de droite, c’est-à-dire contre les intérêts des classes populaires et moyennes.

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OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Mathieu Fusi (1 août 2024). Le vote FN/RN est-il raciste ? Point-virgule. Consulté le 25 mars 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/125gx


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